Il est toujours utile de visiter les institutions à rythme régulier afin de vérifier leurs évolutions. Certaines séduisent par leur régularité, d’autres parfois déçoivent mais savent ensuite se reprendre. C’est le cas de Guy Martin, qui depuis 25 ans dans les cuisines du Grand Véfour, n’a pas toujours su donner à sa belle maison l’allant dont elle avait besoin. Parfois l’histoire des lieux et la gentillesse du service ne suffisent plus à satisfaire le client, venu avant toute chose pour se restaurer.
Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis un déjeuner décevant, durant lequel défauts d’assaisonnements se mêlaient à des cuissons malheureuses, je revenais donc ce soir là, à l’invitation de Guy Martin, sans savoir vraiment ce que j’allais manger ; avec la crainte d’être à nouveau déçu. À peine attablé, les mises en bouche me rassurent. Une bouchée autour de la carotte, tout en finesse, et quelques légumes croquants déposés sur le fond d’une élégante assiette dorée, assortis d’un élégant bouillon aux subtiles notes d’ananas, de coriandre et de pamplemousse. Premiers pas séduisants.
En entrée, des petits gris coiffés de caviar osciètre, associés à une purée de carotte blanche à l’ail des ours ; pertinent mariage terre mer. Les oursins toujours présents sur la carte font suite, servis dans leur écrin, avec un jus crémé, ils illustrent bien la maitrise des classiques, et l’élégance que Guy Martin sait donner à sa cuisine. Idéalement à déguster avec un verre de Haute Côte de Beaune 2013 du Domaine Nerthus dont le gras et la minéralité révèlent les notes iodées du hérisson de mer.
Le ris de veau est une merveille, cuisson millimétrée, saveur et texture délicate, panure légère et croustillante… Il figure en excellente place dans mon palmarès. Le plateau de fromage reste toujours un exemple du genre avec une belle sélection et de parfaits affinages. Les desserts, certes ne renouvellent pas le genre, inscrits depuis longtemps parmi les classiques de la maison, mais séduisent par leur maitrise les amateurs de tradition. La crème brûlée aux artichauts reste fabuleuse, et le palet chocolat, même s’il est riche et intense en saveurs, se déguste jusqu’à la dernière bouchée.
Un excellent dîner porté par un service soigné et attentif, un art de la table renouvelé, et un choix de vaisselle qui met la cuisine du chef en valeur. Des accords mets et vins pertinents, proposés par Romain Alvy, le sommelier, fidèle lui aussi depuis longtemps au Grand Véfour et à Guy Martin. Espérons maintenant que le niveau ne faiblira pas car si le moment de partage et de gastronomie vécu ici est un heureux, il a un prix.
17 rue du Beaujolais
75001 PARIS