Avant sa parution, dans les présages des nouvelles attributions, et surtout des futurs retraits d’étoiles, le petit monde de la gastronomie bruisse de toute part, craignant le verdict en avançant que dans le pire des cas que le guide Michelin n’avait plus d’influence.
N’enterrons pas le Bibendum trop vite ! Quoiqu’on en dise, Michelin sait tirer son épingle du jeu et rebattre les cartes. Cette année encore, le gratin de la haute gastronomie s’est pressé à la salle Gaveau, dans le 8ème arrondissement, où se déroulait la remise des prix. Il ne manquait personne, ou presque. Seul couac, l’absence d’Hugo Roellinger, fils d’Olivier, visiblement trop occupé dans ses cuisines, et qui n’était donc pas présent pour recevoir sa deuxième étoile. Hors-mis cela, Alain Ducasse, Guy Savoy, Yannick Alléno, Guy Job, fidèle ami de Joël Robuchon, René Meilleur, Christophe Bacquié, Éric Frechon, Emmanuel Renaut, Édouard Loubet, Arnaud Donckele, et bien d’autres grands chefs étaient présents.
NOUVELLE DONNE
Avec l’arrivé de Gwendal Poullenec à la direction internationale du guide, le repositionnement se ressent, le guide entrant semble t’il « dans l’air du temps ». Une mise en avant de la pâtisserie, un coup de projecteur sur le service, la sommellerie, et la cuisine responsable. Le Michelin se met à la page des valeurs de l’époque. Et lorsque certains le voit sur le déclin, d’autres remercient avec émoi. « Merci Michelin » est l’une des phrases les plus prononcée de la cérémonie. Et il a suffi d’écouter le témoignage de Laurent Petit, le nouveau 3 étoiles d’Annecy, et encore plus celui de Mauro Colagreco, chef du restaurant Mirazur à Menton, pour comprendre l’importance du guide, sa philosophie, mais aussi l’humilité du cuisinier, la somme de travail et l’immense passion que ce métier représentait.
PASSION ET ABNÉGATION
« Ce n’est pas un métier, c’est notre vie » déclare Laurent Petit alors qu’il vient de recevoir la récompense d’un parcours de vie dédié à la gastronomie. « C’est une histoire de couple ajoute t’il, sa femme à ses côtés, d’investissement quotidien » mais c’est aussi une remise en question permanente et une totale abnégation ; avec un objectif ultime, réussir et satisfaire ses clients, finalement les seuls qui doivent compter. Et non, à la question d’Audrey Pulvar, – maladroite maitresse de cérémonie – Mme Petit n’a pas trouvé le temps long avant de décrocher leur troisième étoile. Juste la bonne distance à parcourir pour décrocher le graal, le temps nécessaire pour atteindre la perfection éligible à la plus haute marche. Car il ne suffit pas de vouloir, de trépigner, d’estimer « mériter » la plus haute distinction. Il faut la mériter. Et à ce jeu, seul Michelin gagne, récompensant les plus valeureux.
UN SENTIMENT D’INJUSTICE
Alors oui, bien sûr, la perte d’une étoile, surtout au plus haut niveau, ne s’accepte pas de gaité de cœur, certains vivant l’injustice au plus profond d’eux même. Compréhensible face à tant d’investissement, d’énergie et de travail, mais c’est alors remettre en cause l’intégrité et le travail d’inspecteurs, vraisemblablement aguerri à l’exercice de leur profession. Car même si toutes les tables ne sont pas inspectées, les contrôles sont, normalement, régulièrement effectués ; surtout dans le cas d’une attribution ou d’un retrait. Ce qui permet de constater la constance et la régularité. Et puis, comment encenser un jour celui qui vous couronne pour le décrier plus tard lorsqu’il vous détrône ? Michelin reste après toute ces années la référence. Il suffit pour cela de constater son écho international, et surtout l’intérêt médiatique, pronostic à l’appui, du microcosme du journalisme culinaire et des grands médias nationaux, quel qu’ils soient.
FÉLICITATIONS
Nous pensons, bien entendu, à ceux, déchus, dont la soirée aura été morose. Mais nous pensons aussi aux heureux lauréats, dont la nuit aura certainement été courte et arrosée. Bravo aux 68 restaurateurs couronnés cette année de leur première étoile, félicitations aux 5 nouveaux étoilés, méritants, pugnaces et travailleurs accédant ainsi à la deuxième marche du podium : Stéphanie Le Quellec, David Toutain, Alexandre Mazia, Christophe Hay et Hugo Roellinger. Enfin un immense bravo aux deux nouveaux triples étoilés pour qui le plus dur est à venir. Car une fois la troisième étoile gagnée, il faut la conserver, et c’est parfois là le plus compliqué.